Du haut de ses 24 ans, Solange est une jeune fille désœuvrée, recluse et ignorant les joies de ce monde. Elle a échoué son existence et ne peut point y changer un seul évènement. Elle aurait voulu bien manger, bien dormir, satisfaire largement ses passions, sans courir la mauvaise chance d’une fatigue quelconque. Solange nous confie son vécu.
Je m’appelle Solange et j’ai 24 ans. J’avais 06 ans quand ma mère et moi avions aménagé dans ce quartier (kalgondin) de Ouagadougou. Je n’ai jamais connu mon père mais mon enfance a été heureuse. Ma mère a beaucoup investi dans mon éducation. Je me souviens que j’étais très brillante à l’école. Ma vie a véritablement commencé à basculer à l’âge de 17 ans, lorsque je commençais déjà à m’estimer mure. A l’époque, comme toutes les jeunes filles de mon âge, je rêvais de vivre des passions folles. Je commençais à découvrir le monde extérieur et je voyais qu’il était différent de ce que je vivais avec maman depuis toujours. Je me suis faite alors une nouvelle compagnie qui a complètement modifié mes connaissances de la sexualité. Je profitais toujours des absences de maman pour passer du temps dehors. En clair, je prenais ma liberté et mon envol.
C’est pourtant cette liberté que j’ai toujours voulue et appréciée qui est à l’origine, je pense, de mon état actuel. Mon handicap actuel est l’une des conséquences directes de cette liberté mais ce n’est pas la plus grave parce que des personnes handicapées, ce n’est pas ce qui est rare ! Mais c’est toute ma vie qui a été détruite liée à la mauvaise gestion que j’ai faite de cette liberté. Je reconnais en avoir trop abusé.
Je ne voulais pas que maman exerce une pression sur moi pour confiner mes élans et quand elle me disait de ne pas rentrer tard, je la trouvais méchante. À l’époque, je voulais tout faire à ma guise. Je ne voulais pas être obligé de justifier mes actes face à mes parents. Lorsque j’ai pris gout à cette nouvelle vie, je gérais mon programme scolaire au gré de mes humeurs. Pourtant, ce qui me parait très bizarre, c’est que j’étais une fille très sage avant ce revirement total. J’ai d’abord commencé par me familiariser avec l’alcool à l’âge de 19 ans, toute chose qui a favorisé ma fréquentation des maquis et des boites de nuit.
Vous êtes pourtant sans ignorer que les drogues ne sont pas étrangères de ces milieux. J’ai commencé par en prendre un peu, puis un peu, et encore un peu plus. Ma maman était ma première banque. Elle se saignait beaucoup pour moi, elle est adorable (ndlr : larmes aux yeux). Mais j’avais besoin de beaucoup plus et tout concourrait réellement à mon égarement : j’avais de vrais atouts féminins, et vu le milieu que je fréquentais et la mauvaise compagnie qui m’escortait, je n’ai pas su résister aux propositions que les hommes me faisaient. Je leur offrais toujours ce qu’ils attendaient de moi en fonction des propositions qu’ils me faisaient.
Pour ceux qui avaient envie de moi mais dont les propositions n’étaient pas à mon gout, je les envoyais balader… L’amour est un bien précieux que j’ai raté lorsque je suis tombée malade et que les analyses m’ont révélé que j’avais le sida. J’étais tombée amoureuse d’un jeune homme qui malheureusement m’a abandonné aussitôt après avoir découvert mon statut sérologique. Je regrette amèrement le fait de n’avoir pas écouté ma mère et mon entourage qui se sont pourtant beaucoup impliqués dans mon éducation. J’appréciais beaucoup la liberté que j’avais prise.
Mais aujourd’hui, je regrette le fait de ne me l’avoir pas restreint. Pourtant la vie n’est pas un film, il n’ya ni pause ni marche arrière. Aujourd’hui j’ai envie de tout recommencer mais j’ai déjà jeté tous mes dés. Naturellement, certains voisins, amis, et même des personnes que je ne connaissais pas ont tenté souvent de m’apporter leur aide par leurs conseils mais je faisais fi de cela. Bien au contraire je pensais qu’ils étaient jaloux de moi puisque j’étais toujours bien habillée, bien coiffée et je pouvais avoir tout ce qui me passait à la tête grâce à mes multiples partenaires. A l’époque c’était une fierté pour moi de voir autant d’hommes tomber sous mon charme. Mais j’aujourd’hui je suis dans un fauteuil roulant, et j’y traînerai toute ma vie avec moi la maladie du siècle. Aucun de mes ex-admirateurs ne donne le moindre signe de vie. Aujourd’hui, je suis sans espoir de travail, et pourtant, j’aurais bien voulu avoir des enfants, vivre le foyer, mais aujourd’hui, je suis desesperée, tout semble obscur devant moi.
Je découvre maintenant avec amertume jusqu’où m’a conduite ma mauvaise gestion de ma liberté… Aujourd’hui j’ai trahi toute la confiance de maman. Oui, j’ai trahi sa confiance, cette brave femme qui s’est énormément battue pour que je sois sa fierté, moi qui étais son seul et dernier espoir…
Source/ LDJ N°060