Assimilés parfois à des fous, à des voleurs ou à des mendiants compte tenu de leur état d’hygiène, ces enfants de la rue ne sont le plus souvent que des victimes d’un système politique inadapté et mal orienté, le tout soutenu par l’irresponsabilité chronique de certains parents.
Curieux de découvrir le “monde des enfants de la rue” et de tenter de saisir leurs réalités, L’ŒIL DES JEUNES s’est penché vers un groupe basé sur l’avenue Charles De Gaule à proximité de l’Université de Ouagadougou.
L’œil des Jeunes : Pourquoi êtes-vous dans la rue ?
Ouédraogo Adama, 18 ans : Je suis dans la rue depuis trois ans. C’est la maltraitance de mes parents qui ma poussé à fuir le domicile familial. On ne me donnait pas à manger et on me faisait travailler comme un âne. Certains de mes camarades ici ont été victimes de la méchanceté de leur marâtre ou de leur père. Lorsque la mère décède et qu’elle te laisse seul avec la coépouse, celle-ci veut faire de toi son esclave.
Nonguirma Jean Marie, 17 ans : Moi par contre je dérobais de l’argent pour jouer au baby foot. Et pour cela, on me punissait sévèrement jusqu’à ce que je ne supportais plus. Comme j’en avais marre des punitions, alors je suis parti de la cour familiale.
L.D.J. : Comment arrivez-vous à survivre ?
Ouédraogo Adama : Ici, nous vivons au jour le jour. Nous faisons souvent les petits travaux que les gens acceptent bien nous confier. Il y a aussi certains passants généreux qui nous donnent quelques pièces d’argent.
L.D.J. : Quels genres de difficultés rencontrez-vous ?
Nonguirma Jean Marie : Notre problème majeur, c’est surtout la Police municipale. Les policiers municipaux ne cessent de nous traquer afin de nous déloger.
Kabore Ignace, 16 ans : Autrefois, nos ainés qui étaient avec nous ne manquaient pas souvent de nous donner de petites corrections lorsque nous refusions d’obéir aux ordres. Mais aujourd’hui, ils ne sont plus là. Ils ont presque tous réussi: Diallo, lui, travaille avec Médecins Sans Frontière. Il est chargé de leur indiquer les endroits où se trouvent les enfants de la rue et de les aider à les soigner. Il est bien payé et nous vient régulièrement en aide.
Simporé Mahamadi, 17 ans : En plus de ces difficultés, il y a aussi celui de l’emploi. Beaucoup de gens pensent que nous sommes des voleurs, des délinquants alors que nous ne sommes pas du tout dangereux. Les habitants du 1200 logements peuvent en témoigner.
L.D.J.: Fumez-vous la drogue, la colle, les excitants?
(Long silence)
Ouédraogo Adama : Voyez-vous, dans notre groupe ici, il n y a pas un seul qui fume la cigarette. Nous ne sommes pas des drogués. Tout ce que nous recherchons c’est avoir à manger.
L.D.J. : Certains disent que les enfants de la rue sont des enfants paresseux, qui refusent de cultiver au village et que ce sont pour la plupart des enfants indisciplinés qui se rebellent contre leurs parents. Qu’en dites-vous ?
Ouédraogo Adama : C’est archi-faux. Nous sommes victimes de certains adultes qui se croient plus malins et qui ne cherchent qu’à exploiter les enfants. Il y a certains d’entre nous qu’on a envoyé pour apprendre le coran chez les maîtres coraniques. Ces derniers veulent faire de l’enfant un esclave. Quand il se rebelle, on dit qu’il est indiscipliné, têtu. Par conséquent il est maltraité. Malheureusement, sa famille ne comprenant pas, le rejete à son tour. L’enfant ainsi abandoné, préfère errer en ville. Quand il vient vers nous et nous expose son problème, nous l’accueillons.
L.D.J. : Vos parents viennent-ils souvent vers vous ?
Ouédraogo Adama : Oui, souvent ils viennent à ma recherche. Il m’arrive même de leur rendre visite. Ils usent de toutes les astuces pour que je revienne à la maison. Mais moi, je ne veux plus y retourner car, ce sont toujours les mêmes problèmes qui existent. Ce n’est un plaisir pour aucun enfant d’être dans la rue.
L.D.J. : Comment voyez-vous votre avenir ?
Nonguirma Jean Marie : Certains d’entre nous ont réussi : Diallo qui travaille avec Médecins Sans Frontière et Ouoba Ousséni qui va bientôt se lancer dans la musique.
L.D.J. : Quels sont vos projets ?
Ouédraogo Adama : Devenir menuisier. J’ai déjà exercé ce métier mais mon patron étant sévère, j’ai dû abandonner.
Nonguirma Jean Marie : Moi, j’ai fait la mécanique et je peux me débrouiller si on acceptait me prendre dans un garage auto. Kabore Ignace : Moi, je n’ai aucun métier mais je suis prêt à exécuter tous les travaux qu’on voudrait bien me confier.
Kaboré Soulemane : Moi je voudrais travailler avec Médecins Sans Frontière.
Simporé Mahamadi : Moi je ne sais pas. Je ferai ce que Dieu voudra bien m’offrir comme travail.
Ouédraogo Sény : J’aimerai faire de la musique mais comme je n’ai pas de moyens pour l’instant, je ferai tout ce qu’on me proposera.
L.D.J. : Quel est votre mot à l’endroit des autorités de notre pays ?
Nonguirma Jean Marie : Premièrement, nous demandons au maire de dire à la Police municipale de nous laisser en paix car nous ne sommes pas des voleurs.
Ouédraogo Adama : Nous demandons aussi aux autorités de faire quelque chose pour nous aider à trouver du travail.
Kaboré Soulemane : Nous remercions énormément Médecins Sans Frontière pour tout ce qu’ils font pour nous.