L’histoire, vous la connaissez par cœur. Le 8 décembre 2021, les étudiants de l’ANEB ont reçu l’ordre de libérer les lieux de rassemblement sur le campus universitaire de Zogona (Université Joseph KI Zerbo) aux motifs qu’ils perturbent le bon déroulement des activités académiques. Cet ordre a immédiatement fait l’objet d’une fin de non-recevoir de la part des étudiants.
La suite, on la connait également. Quarante et un (41) étudiants arrêtés dont une fille. Ces étudiants ont séjourné pendant 13 jours au commissariat central de la police de Ouagadougou. C’est finalement le 21 décembre 2021 que ces derniers ont bénéficié d’une liberté grâce à l’intervention des parents.
De l’étudiant à détenu dans une cellule de commissariat, la vie n’est certainement pas la même.
Pour en comprendre davantage, nous avons approché quelques-uns d’entre eux pour recueillir leurs témoignages sur ce séjour bien pimenté, mais la majorité n’a pas voulu se prononcer sur cet évènement qu’elle qualifie de « douloureux ».
Deux d’entre eux ont accepté de se prêter à notre micro. En attendant de mener des enquêtes pour comprendre pourquoi ces étudiants dans leurs majorités ne veulent plus se prononcer sur cet évènement, suivons attentivement le témoignage de nos deux étudiants.
Témoignage de Abdoul Hak Guemala COMPAORE
Moi Abdoul Hak Guemala COMPAORE j’ai été arrêté au parking du campus de l’université Joseph Ki Zerbo alors même que je me sentais pas en pleine forme.
Le 8 décembre 2021, à 10h, j’étais au parking quand la CRS est venue commencer à lancer les gaz lacrymogènes et comme je voyais d’autres camarades non loin de moi qui tentaient une négociation, je me suis dit que ce n’était pas la peine de courir, je suis donc resté à ma place. J’étais assis avec 03 filles blessées au parking, la porte fermé derrière nous, elles essayaient de laver leur blessure. D’un claquement de doigts, le commandant de la CRS a donné l’ordre de vider le parking en m’ordonnant d’ouvrir la porte du parking. Je me suis exécuté et une fois à l’intérieur du parking, il m’a accusé d’avoir brulé des pneus sur les lieux de la manifestation. J’ai tenté de lui expliquer mais sans chercher à comprendre, il a commencé à me frapper et c’est comme ça que je me suis retrouvé au commissariat de police.
Mais avant d’être embarqué dans leur véhicule, il m’a ordonné de mettre de l’essence sur les motos qui se trouvaient au parking et de les brûler par ce que c’était pour des étudiants. J’ai refusé et il a commencé à me frapper. Il a fait sortir les trois filles, les faire coucher sous le véhicule que le chauffeur était entrain de ronfler. Sur place, toutes les filles ont uriné et il leur a dit de partir […] c’est dans ces conditions qu’ils m’ont pris et ils ont fait le tour du campus avec moi et à chaque fois qu’ils voyaient des pneus brûlés, ils s’arrêtaient pour me frapper.
Témoignage de Seydou SANOU
De mon coté, j’étais dans l’amphithéâtre «B» quand la CRS est venue. Quand je suis sorti, j’ai tenté de contourner le Bâtiment “B” pour aller vers le Bâtiment “A” dans l’objectif de rejoindre les camarades au parking de motos mais la CRS avait déjà encerclé les lieux.
Au parking, deux cargos qui y étaient et ses occupants m’ont pourchassé. Je voulais revenir d’où je venais, mais il y avait un troisième cargo qui m’a intercepté. C’est dans ces conditions que j’ai été arrêté et j’avoue que les conditions d’arrestation étaient des plus violentes et des plus barbares. Quand je suis monté dans le véhicule, ils m’ont allongé dans le véhicule et tout les occupants me piétinaient de la tête au pieds en utilisant des termes tels que : « on a eu des oiseaux ». J’ai été allongé de telle sorte que celui qui était au dehors du véhicule ne pouvait pas savoir qu’il y avait quelqu’un dedans […] et arrivé au commissariat, ils nous ont frappé avec des cordelettes. Ils nous ont fait déshabiller exceptées nos culottes et ils nous ont enfermé dans les cellules. Il faut aussi noter que du 8 au 21 décembre, période de notre détention au commissariat, nous n’avons pas eu à manger.
C’est donc à la suite des plaintes de certains étudiants, qu’ils nous ont apporté un quart 1⁄4 de pain de sandwich et un sachet d’eau de vingt cinq francs 25f.
Pour notre traitement, on se croirait dans une guerre civile. Ils nous ont frappé avec les matraques et les cordelettes, torturés, et quand je leur ai montré ma blessure causée par l’accident, c’est dans la plaie même que le policier à frappé en disant que nous sommes des délinquants […]
Le véhicule dans lequel j’étais, le chauffeur a eu pitié de moi et il a dit au commandant qu’il faut qu’il me trouve de l’eau sinon, le gaz que j’ai aspiré est dangereux mais le commandant a rétorqué en disant que : « Il n’a qu’a mourir, pas question de lui apporter de l’eau. ».
Quand au commandant, il me frappait à chaque fois que le véhicule s’arrêtait auprès d’une voiture incendiée.
Après les formalités d’usages, nous avons été conduits au bâtiment annexe, le bâtiment de vrais délinquants. Nous avons été envoyés dans des cellules sans fenêtres et nous étions repartis à 13 personnes par cellules soit quatre cellules au total. Je ne souhaite même pas à mon ennemi le bâtiment annexe où nous avons passé treize (13) jours.
En 13 jours, toute la peau de mon corps ressemblait à la peau de la paume. Il n’y avait pas d’hygiène. Les WC sont dans les cellules et ils sont sans portes ni rideaux. Vous imaginez ! On n’arrivait pas à dormir les nuits. Parmi nous, il y avait un élève de la 3è et ce dernier passait tout son temps à pleurer et on est souvent obligé de pleurer avec lui car il faisait trop pitié.
Tout le monde a maigri car on imaginait pas qu’on allait passer assez de temps dans les cellules.
Quand aux moustiques, on en parlait même pas. Nous les avons ignoré, on dormait sans couvertures ni moustiquaires […]. Dans le bâtiment annexe, il y a eu 27 malades parmi nous. Tellement les étudiants ne supportaient pas les conditions de détention dans ces cellules de l’annexe et les médicaments disponibles à l’infirmerie de la police étaient le paracétamol uniquement. La multiplication des cas de maladie a obligé notre transfert dans le quartier des mineurs où la salle est plus aérée par rapport aux autres cellules.
Au quartier des mineurs, c’est dans une grande salle que nous avons été parqué. Les mineurs étaient d’un côté, les étudiants de l’autre. Malheureusement, la mésentente qui régnait entre nous-mêmes étudiants en cellule à fait que nous n’avions pas pu faire face à la situation en bloc. il y avaient certains qui proposaient qu’on adresse une lettre au Mogho Naaba et au Président du Faso et d’autres ont
estimé qu’on ne se reprochait pas de quelque chose et donc, qu’on n’avait pas à supplier qui que ce soit. Ce qui a crée une espèce de tension entre les étudiants.
Abdoul Hak Guemala COMPAORE
Heureusement que mon père ma encouragé à ma sortie de la cellule en me disant que je n’ai pas volé et que j’ai juste lutté pour mon propre bien, que l’injustice est inévitable souvent dans la vie et que c’était mon cas.
S’il y a des structures à remercier, moi personnellement j’exprimerais ma profonde gratitude au MBDHP, à l’ANEB, qui nous ont beaucoup soutenu en nous apportant à manger deux fois par jour durant notre séjour en cellule. Nous n’oublierions pas également l’ensemble des étudiants qui se sont mobilisés tout au long de notre détention jusqu’à notre libération.
Nous remercions également l’ensemble des médias qui ont permis à ce que les gens puissent comprendre ce qui s’est passé réellement.