23. novembre 2024

Les boites de nuits nuisent-elles ? - L'Œil des jeunes

Avant les années 90. les boites de nuit se comptaient du bout des doigt au Burkina. Dans la ville de Ouaga on en dénombrait cinq tout au plus. Implantées au sein des hôtels grand standing, ces night-club étaient surtout fréquentés par un cercle fermé d'individus de la haute classe : expatriés, autorités politiques, hommes d'affaires, touristes.

Dés le début des années 90. un nouveau vent de libéralisme économique souffle en Afrique. Les monopoles commencent à disparaître pour laisser la place à la libre entreprise. Cela se traduit au Burkina par l’érection de radios F.M et de boites de nuit. Si fait, qu’aujourd’hui chaque quartier a sa «boite». L’expression «boite de nuit » qui laissait plus d’un burkinabé songeur devint l’expression la plus en vogue dans le milieu jeune. Pour être dans le vent et prouver qu’on est dans le mouvement, il faudra alors désormais dire : « Hier nuit, j’étais en boîte» où «ce soir, je vais en boite».
«Les boîtes de nuit sont des lieux de perversion». Madame Rachel, mère au foyer ne va pas par quatre chemins pour qualifier ces lieux. Elle a une aversion visible des boîtes de nuit de telle sorte qu’elle a apparemment transmis les gênes de cette aversion à sa fille, aujourd’hui mariée :
« ma fille par exemple, depuis sa naissance jusqu’à son mariage n’a jamais fréquenté les boîtes de nuit. Même quand elle s’est mariée, j’ai eu à prévenir son mari de ne jamais la laisser y aller. Heureusement que son mari n’y allait jamais d’ailleurs». Mlle Pierrette Songnaba, couturière semble partager cet avis, mais insiste quant à elle sur l’image que les gens peuvent avoir d’une personne qui fréquente ces lieux. «Quant tu vas en boîte, tu es déjà qualifiée. Pour être respectée; il faut éviter les boîtes». Même son de cloche chez certains artistes qui pourtant il faut les reconnaître son généralement perçu comme des habitués de ses endroits. YORO Massa; artiste musicien : «Je ne vais pas là-bas, mais je sais que c’est un lieu de fréquentation de certaines filles et certains garçons. Ce sont des coins qui ne m’intéressent pas».
S’il y a une aversion quasi-généralisée des boîtes de nuit, c’est qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Beaucoup de choses ne plaident pas en leur faveur : l’union de l’alcool, de la cigarette, les corps presque nus, les danses suggestives, la proximité avec les prostitués, proxénètes et autres déviants sexuels donnent un cocktail explosif. Le trafic d’influence étant la chose la mieux partagée, beaucoup de jeunes ont connu leur première consommation de cigarette, d’alcool, de drogue et de prostitué dans une boîte. Le gérant d’une de ces boîtes tente de dédramatiser : «tout dépend de l’esprit qui t’amène là-bas!». Comme pour répondre, un père de famille conseillera : «Il est mieux de ne pas tenter le diable. Vous convenez avec moi que les élèves les plus brillants ne se recrutent pas parmi ceux qui fréquentent les boîtes de nuit». Le manque de sommeil, la fatigue physique et nerveuse, la consommation d’excitants y seraient pour quelque chose dans cette contre-performance. Pire, il y’aurait même un manque à gagner du point de vue santé. Les amplificateurs dans les boîtes peuvent atteindre 120 décibels. Un niveau sonore à peine plus bas que le seuil de tolérance de la douleur. Ces bruits assourdissants sont à, l’origine de troubles auditifs. Selon un otorhino- laryngologiste, spécialiste du système auditif, les troubles auditifs provoquent de graves problèmes sociaux. Les gens qui en souffrent sont plus irritables, ont des difficultés d’apprentissage et ont plus de mal à apprendre par exemple les langues estrangères».
Une interrogation demeure cependant : si les boîtes de nuit ont si mauvaise presse, pourquoi ne désemplissent-elles pas ? Ces maisons marchent très bien et sont un vrai filon commercial, à voir le train de vie luxueux que mènent ces promoteurs : gourmettes en or, voitures dernier cri. Les prix d’entrée qui tournent entre 2500f et 5000f cfa; les petites bouteilles de sucrerie 1500, la bouteille de liqueur 40.000f et celle de champagne 100.000f cfa ne dissuadent pas les candidats. Des boîtes se retrouvent donc avec des millions de chiffre d’affaire en une nuit. Malgré cette cherté des places, à chaque week-end, des jeunes, avides des sensations fortes se bousculent au portillon. Selon ces amateurs» nous venons en boîte pour nous éclater». Aller en boîte une fois par mois ne fait pas partie quand même des 7 pêchés capitaux pour eux. Nous avons même rencontré un monsieur qui nous a fait cette révélation : «les gens ne vont toujours en boîtes pour ce que vous pensez. Il y’en a qui vont là-bas pour des rencontres d’affaires. C’est mon exemple ce soir. Je suis avec des partenaires commerciaux qui sont venus de la Belgique. Ils m’ont dit qu’ils veulent aller en boîtes. Alors, que voulez-vous pour faire des affaires, il faut un compromis». Beaucoup de personnes témoignent avoir fait de rencontres qui ont changé leur destin dans ces lieux réputés mal famés. S’il n y’en a qui ne jurent que par les boîtes de nuit pour décompresser et faire des rencontres, d’autres pensent qu’il y’a des lieux de rencontre plus sains. Mlle Pierrette Songnaba : «des jeunes peuvent se réunir tous les trois mois pour faire la fête et se distraire. Il n’est pas intéressant de faire beaucoup de sorties».
IL n’est pourtant pas rare de voir de jeunes garçons et de très jeunes filles, tellement jeunes qu’en pressant leur nez, on croirait que du lait allait en sortir, faire des boîtes de nuit leur tasse quotidienne de thé. Cela est regrettable. Certains jeunes mettent par conséquent la maturité en avant. Tel Sayouba KABORE commerçant : «on peut fréquenter les boîtes de nuit mais à un âge où on est adulte, pour pouvoir éviter les influences. Je trouve par exemple que les jeunes peuvent organiser des réjouissances devant leur maison». Mme Rachel YONLI, quant à elle reconnaît qu’à son jeune âge elle allait de temps en temps dans les soirées dansantes; «…mais avec mes grands frères. Comme j’étais sous l’œil de mes frères, je ne pouvais rien tenter de mal». Elle pense qu’a défaut de sortir pour braver des risques inutiles, les jeunes peuvent organiser des séances de lectures ou de débats utiles. Pour beaucoup, fréquenter les boîtes de nuit est une manière d’oublier les problèmes. Ils pensent que ce milieu leur permettrait de mettre en sourdine leurs problèmes affectifs, scolaires et professionnels. En somme, les problèmes existentialistes de tout être humain. Malheureusement on se retrouve le lendemain avec les mêmes problèmes et en surplus, une surdose de fatigue physique, nerveuse et un manque de lucidité. Pourtant, les problèmes on ne les oublie pas, on les affronte. Aussi incommensurables soient-ils. Les jeunes devront se passer de ces palliatifs pour affronter les difficultés et regarder la vie en face. Si les boîtes de nuit étaient des modèles de vertu, pourquoi dans ces «maisons closes», un agent de sécurité est- il chargé en permanence de surveiller l’intérieur des toilettes.

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